«Pour faire un pas décisif dans la maîtrise de la pandémie et ce, sans aucune hésitation, nous nous engageons à nous faire vacciner dès que cela sera possible.» A l’origine de cet appel lancé le 29 décembre et publié ce jeudi dans le Parisien avec la signature de 200 artistes et acteurs du secteur de la culture et du divertissement (Zabou Breitman, François Berléand, Grand Corps Malade...), le directeur du théâtre national de Strasbourg, Stanislas Nordey. Le comédien et metteur en scène de 54 ans ne souhaite nullement convaincre les 58% de Français hostiles au vaccin contre le Covid, mais simplement leur faire comprendre qu’ils ont aussi un rôle à jouer pour sortir de la crise sanitaire.

D’où vous est venue l’idée de lancer cet appel à se faire vacciner ?

Cela vient surtout du fait que nous étions à mon avis dans des polémiques qui tournaient un peu en rond, où tout le monde accusait ou défendait le gouvernement en se demandant si Olivier Véran était un bon ministre ou non, si Macron faisait bien les choses ou non, Cela m’a amené au fait que finalement, nous étions nous-mêmes les principaux acteurs en tant que citoyens. C’est à nous de nous emparer de tout ça et de ne pas attendre que ça tombe du ciel. Après, cela s’est croisé évidemment avec mon expérience personnelle, du fait que je travaille dans le Grand Est qui a été très touché par la pandémie, que j’ai eu le Covid, et que j’ai des proches qui en sont décédés. Mais c’était surtout pour moi une manière de dire : «il y en a marre de se demander si les politiques font bien ou pas, à nous maintenant de nous prendre en charge et nous engager».

Des comédiens, des écrivains, des producteurs ou encore des chanteurs ont accepté d’apposer leurs signatures. C'est vous qui les avez convaincus ?

J’ai passé mon nouvel an à envoyer des textos et à les contacter ! Ce genre de chose il faut le faire soit même, même si c’est chronophage. Bon, évidemment cela s’est un peu emballé par la suite et il y a eu des relais, comme il y en a encore. La liste qui a pour le moment été publiée constitue les 200 premiers signataires, mais il y en aura d’autres. Concernant le choix des signataires, même si beaucoup de noms célèbres sont ressortis, il était important pour moi de choisir aussi des anonymes. La liste va de Gérard Jugnot à Alain Françon en passant par Wajdi Mouawad, Laurent Gaudé, Philippe Faucon ou Grand Corps Malade. C’était important pour moi qu’il n’y ait pas qu’un seul secteur de la culture mis en avant.

Pensez-vous que le rôle d’un artiste est de montrer l’exemple ?

Je pense en tout cas que les artistes ont pour mission d’être à l’avant-garde d’un certain nombre de choses et qu’ils sont censés être des éclaireurs, donc autant continuer à l’être d’une autre manière. Mais ces personnes de la culture sont avant tout des hommes et des femmes, donc quand ils ont signé c’était en tant qu’artiste certes, mais aussi en tant que citoyen.

Qu’attendez-vous de cet appel ?

Cet appel n’est pas une injonction. Rien ne dit dedans «faites-vous vacciner», on souhaitait juste dire : on est comme vous, on a sans doute les mêmes questions voir les mêmes craintes, mais on y va parce que pour le moment c’est le seul moyen de sortir de ce bordel. On espère juste que ça va faire réfléchir les gens et participer au débat. Ce genre d’appel s’adresse surtout aux gens qui sont encore indécis, on sait très bien que les irréductibles, qui de toute façon ne se sont jamais fait vacciner, ne seront pas touchés par l’appel et ne le feront pas. Demain, dans les sondages, il n’y aura pas 85% de gens qui vont aller se faire vacciner suite à notre appel. C’est un appel qui est tout à fait conscient de la modestie de ce qu’il peut apporter. Et les politiques devraient faire la même chose, simplement dire aux gens qu’ils vont le faire.

Justement ne souhaitez-vous pas signifier votre mécontentement au gouvernement, en lui montrant que vous prenez les choses en main ?

Non. C’est super-facile de dire que c’est la faute du gouvernement. Je suis pourtant quelqu’un de très politisé, mais en ce moment s’il y avait un autre gouvernement, il ferait aussi des conneries et des choses bien, même si cela ne serait peut-être pas les mêmes. Donc cet appel sert surtout à dire : n’attendons pas tout des politiques. Avant Noël, les magasins à Strasbourg par exemple étaient bondés, mais ils n’étaient pas bondés à cause des politiques, ils étaient bondés parce que les citoyens n’ont pas encore de responsabilité collective suffisante. Donc c’est bien aussi de nous tous, et toutes, se regarder dans la glace et de commencer à agir.

Avez-vous déjà reçu des critiques ?

Il y a toujours des critiques dès qu’on prend une initiative publique, c’est logique et on le sait. Mais il vaut toujours mieux prendre position que de ne rien faire selon moi. Et puis notre appel ne sert pas à culpabiliser les gens qui ne veulent pas se faire vacciner ni a forcer les autres, donc je ne vois pas vraiment de raison d’être critiqué.

Pensez vous mener d’autres actions comme celle-ci par la suite ?

Cela prend beaucoup de temps. Je suis en parallèle très mobilisé dans des réunions auprès du ministère de la Culture pour faire avancer les choses et trouver des solutions durant la crise sanitaire, mais mon réel plaisir est plutôt d’être sur des scènes de théâtre plutôt que d’essayer sans arrêt de mobiliser les gens. Donc si d’autres prennent le relaisn j’en serai ravi !

Aurore Savarit-Lebrère